Je suis seul dans mon appartement vide. Après le chaos du déménagement c’est bon de se sentir flotter dans un espace dépouillé de tout. Il est tard, un orage ébranle tout l’immeuble et j’écoute de la sublime bonne musique, Tom Waits, Al Green et Bill Withers.
Dans son livre « Le combat du siècle » ou il relate le très fameux combat de boxe Ali-Foreman à Kinshasa en 1974, Norman Mailler essaie de comprendre son attirance pour Mohamed Ali et les noirs américains en général. En rentrant à New York il tombe sur un vieux livre écrit par un prêtre belge qui décrit l’essence des religions africaines. Il comprend alors soudainement que, dans les traditions noires, le monde est un champ de force ou on est constamment traversé par des énergies diverses. Ce qui compte c’est notre science, notre sensibilité, notre art à se rendre disponible ou non à certains courants de force. On a toujours le choix d’accepter, d’accueillir ou de rejeter ce qui passe à travers nous. On n’est pas amoureux, on est traversé par l’Amour, ou par la Joie, le Sexe, la Mélancolie ou quoi que ce soit. D’ou l’importance de la magie, qui est un rituel symbolique potentiellement précis pour appeler les forces désirées. A partir du moment où on y croit avec son cœur et son ventre, il y a quelques chances que la chose voulue apparaisse. Ce qui pose la question de l’abandon et de la responsabilité, du choix et de la disponibilité, qui ne sont peut-être contradictoires qu’en apparence. Je choisis de m’abandonner, de provoquer une situation dans laquelle je vais perdre le contrôle. C’est ce genre qui paradoxe que j’adore pratiquer en jouant et en chantant de la musique sur scène. C’est une mentalité animiste dont je me sens assez proche.
L’orage est passé, la rue est étincelante. J’arrête la musique, je prends ma guitare (surtout ne pas allumer la lumière) et je pense à toutes les forces qui m’ont traversé cette semaine.
C’était délicieux de chanter avec Jane Birkin « Madame rêve » de Bashung pour les 25 ans des Francofolies. Spécialement l’heure ou on a répété tous les deux dans sa loge. Je jouais les quatre accords de la chanson en boucle et à la fin elle me disait « encore » et ça repartait. Dans les pauses je lui demandais quelques secrets de composition et d’inspiration de Serge Gainsbourg. Elle me répondait précisément et gentiment. Si j’étais Africain, je pourrais dire que j’ai été visité par deux grands fantômes. Aux grands hommes la patrie reconnaissante !
(Un peu plus tôt dans la soirée, on a donné un concert sur la grande scène. Ce n’était pas évident de jouer à 19h20 en plein soleil, devant un public venu en grande partie pour Tryo et pas encore chauffé à bloc. Heureusement je suis entouré une équipe de choc, Nicolas, Jérôme, Bettina, et Bruce. Notre côté guerrier a été excité et on a finalement pu faire sonner notre orchestre de rock ‘n roll futuriste. Le lendemain, rebelote avec Fred Pallem et Boris Vian. Je vous passerai bientôt le poème de Vian « Chatterie » que j’ai lu avec Jean-Louis Trintignant. C’est une jolie merveille. Merci en tous cas, aux Francos et aux gars de Tryo pour avoir provoqué ces sensibles rencontres.
En parlant de belles rencontres, j’ai la chance d’avoir un nouveau manager, Richard Gamba. Il est toujours à fond, sur le coup, plein d’énergie et d’idées et on rigole bien ensemble. Il a fait depuis dix ans un travail incroyable sur le groupe de death-metal Gojira, un groupe français qui cartonne sur toute la planète.
Je ne les connaissais pas, mais c’est magnifique sur scène et sur disque, une musique lyrique et puissante. Du coup, je me mets un peu au death-metal, mais très progressivement car je suis encore très attaché à Annie Cordy et Jim Morrison !
Voilà une nouvelle vidéo de Samuel Petit. L’abondance, comme quoi la crise peut provoquer aussi bien des faillites que des chansons.
C’est bon de ne rien faire dans un appartement désert, du coup, avec une guitare jouet, je trouve des bonnes idées de musiques que j’enregistre sur mon téléphone. Surtout ne pas allumer la lumière, celle des réverbères de la rue suffit amplement. Je me sens complètement vide et complètement plein. C’est bon et c’est ce que je vous souhaite cordialement. Merci.